Nous ne sommes pas près de pouvoir buller, partis comme nous le sommes dans les arcanes génétiques. Ô rescapés de l’espèce, puissions-nous baiser sans penser. Il paraît, hélas, que le sexe et le cerveau sont en liaison. Des liaisons dangereuses. #RescapesdelEspece
À l’inverse de Jean Foyer, il faudrait en conclure que les interdits moraux imposés par les monothéismes et réitérés, siècle après siècle, par la hiérarchie catholique ne seraient pas fondés par une « loi naturelle ». Qu’en est-il de la théorie psychanalytique ? L’inconscient des lamantins est-il en cause ? Comment ces animaux gèrent-ils leur œdipe ? Ce complexe psychique, Freud l’avait voulu universel, mais cela signifie-t-il qu’il convienne de l’étendre au règne des animaux, nos frères ? Là encore, les conclusions de Thierry Lodé effectuent des ravages. Il propose une autre explication avec la théorie des bulles libertines.
Sans entrer dans le détail de l’évolution des bifurcations génétiques, la sexualité serait née d’échanges entre des êtres vivants non encore sexués et elle aurait pour objet, non pas la reproduction mais le rapprochement des êtres vivants en vue d’un développement du système nerveux. « La sexualité est si fondamentale que l’évolution a privilégié la diversité des conduites sexuelles, écrit-il. Alors, si les femelles de grenouilles s’accouplent avec plusieurs mâles, si les goélands homosexuels adoptent des petits, si les cygnes vivent un triolisme amoureux, c’est que la sexualité a échafaudé de multiples mécanismes amoureux (1). » Il existe au sein du règne animal d’autres modes de reproduction que la sexualité. La scissiparité des vers marins par exemple, ou le cas des tatous qui peuvent différer la gestation jusqu’à sept mois après l’accouplement. Ces espèces ont néanmoins des ébats sexuels. Il en va ainsi des hermaphrodites, tels les escargots. Dans la nature, on ne baise pas que pour se reproduire. Je ne peux éviter de relever la remarque de Thierry Lodé concernant les bonobos qui « ont acclimaté le sexe pour pacifier les relations sociales ».
D’autres scientifiques explorent des pistes symétriques, comme le neuropsychologue américain Robert Provine qui, à l’université du Maryland, travaille sur les comportements sociaux complexes comme les chatouilles, les bâillements et les rires. Ils constituent des modes de communication compréhensibles par tous, indépendamment des langues, des cultures et même des espèces puisque rats comme primates y sont réceptifs. « De tels comportements sociaux complexes sont des moyens d’interactions les uns avec les autres et fournissent un moyen de former des liens sociaux forts, par exemple entre un parent et un enfant, décrypte Rochelle Ackerley, professeure assistante en physiologie à l’université de Göteborg en Suède. Il existe de nombreux réseaux neuronaux associés à ce sujet dans le cerveau. Certains, fondamentaux, tels que la façon dont nous traitons les informations tactiles entrantes, et d’autres plus complexes, par exemple si nous considérons que l’action est gratifiante et si nous voulons qu’elle se reproduise. Ces processus de niveau supérieur comprennent l’interprétation de l’émotion, de la motivation et des attentes, en combinaison avec l’expérience (mémoire) pour décider si nous aimons l’action et voulons la poursuivre (2). »
Les grands cachalots passent près de la moitié de leur temps à se faire des câlins. Or les mâles vivent entre eux, laissant les femelles élever la progéniture dans les eaux chaudes alors qu’eux n’hésitent pas à croiser dans l’Arctique et l’Antarctique. Les ébats sexuels entreraient dans cette logique de comportements, sans lien direct avec la procréation qui ne serait qu’un effet second.
Que dire, à cet égard, de l’activité sexuelle au-delà de cinquante ans ? La procréation n’en est plus l’objectif. Même si le regard social porté sur ce type de relations entre personnes âgées est le plus souvent critique, les scientifiques pensent y déceler des influences positives, en particulier pour le fonctionnement cérébral. Une étude portant sur 28 hommes et 45 femmes, âgés de 50 à 83 ans, a été menée sur la fréquence de leurs rapports sexuels et leurs capacités cognitives. Les personnes qui ont affirmé avoir une activité sexuelle au moins une fois par semaine sont aussi celles qui avaient l’expression verbale la plus fluide et la meilleure capacité à se représenter leur environnement dans l’espace. Ces travaux confirment de précédentes recherches ayant montré des capacités cérébrales plus importantes chez les personnes ayant une activité sexuelle régulière. Le but de cette nouvelle enquête (3) était de comprendre quelles fonctions du cerveau étaient les plus impactées.
Notes :
- L’Homme et l’animal, 30.000 ans d’histoire, hors-série L’Obs, décembre 2016.
- Atlantico, 5 juin 2017.
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Frequent Sexual Activity Predicts Specific Cognitive Abilities in Older Adults, Hayley Wright, Rebecca A. Jenks, Nele Demeyere ; J Gerontol B Psychol Sci Soc Sci gbx065. Published: 21 June 2017.