Savez-vous ce qu’est une « cagole », chers rescapés de l’espèce ? Cela doit dépendre de votre positionnement géographique. Si vous allez voir, vous me direz peut-être Merci pour ce moment. #RescapesdelEspece

L’omniprésence du couple Macron dans la presse people n’est pas un hasard. Il a passé un « contrat d’exclusivité moral » avec l’agence Bestimage que dirige Michèle Marchand, surnommée « la reine des paparazzis ». Chacun y trouve son intérêt. La promotion des uns, les finances de l’autre. Depuis son élection, Emmanuel Macron a sommé, par avocat, Closer et Voici de se tenir à l’écart de sa vie privée. La phase durant laquelle, en quête de notoriété rapide, il avait usé de son couple pour faire sa publicité était achevée.
Cette exploitation cynique des médias comme de la singularité de son couple constitue une première signature d’un personnage encore méconnu. Durant la campagne présidentielle, Challenges a révélé que Brigitte Trogneux était habillée grâce au service VIP de LVMH qui fournissait des tenues gracieusement. Une information confirmée par l’entourage du candidat, qui avait pris soin de préciser que ces prêts étaient répertoriés et restitués après usage. L’homme qui, pour conquérir la présidence de la République, a prétendu renouveler la politique, a commencé par en exploiter avec intelligence les ficelles les moins reluisantes. Un travers que je ne suis pas seul à déplorer. Sans doute une question de génération, Jean-Michel Macron témoigne de réserves analogues, même s’il les exprime avec la retenue qui sied à un père parlant de son fils : « Autant je suis à peu près d’accord sur ses idées, autant je suis un tantinet allergique à tout ce qui est un peu show-biz, à sa vie médiatique (1). »
Le jeu mené est dangereux. Durant ses années d’études, la stabilité affective que Brigitte Trogneux apportait au jeune Emmanuel constituait un avantage par rapport à des condisciples, néanmoins concurrents, en quête d’une vie sentimentale et sexuelle. Ou l’inverse. Elle a offert ensuite un excellent argument dans la conquête et l’installation au pouvoir, en contribuant à capter l’attention et à susciter l’intérêt.
Demain, quand viendront les temps difficiles, elle offrira un angle d’attaque privilégié. Les télévisions asiatiques en ont offert un premier reflet. La presse britannique l’avait laissé présentir puisque, durant la campagne électorale le Telegraph avait déjà commenté : « Avec ses jambes ultra fines et longues (qui font régulièrement saliver les tabloïds français (2)), Trogneux [sic] ressemble plus à une ancienne top model qu’à une ancienne prof. Tout comme ses tenues (3). » Cette mise en bouche permettait de deviner la suite, par exemple lorsque le magazine Grazia (4) parle du « côté un peu réconfortant » d’une « cagole (5) » présentée comme « trop fardée sans être trop bourgeoise », et « rassurante par son âge et son métier ».
Un écho qui se retrouve dans la presse britannique, entre le Daily Mail (6) qui évoque les « courtes et excentriques robes » de l’épouse présidentielle, avant d’enfoncer le clou dans une édition suivante en titrant : « Il est temps pour Brigitte de s’habiller, et d’agir, selon son âge (7). » Ce n’est qu’un début, car la charge s’accentuera au fur et à mesure que les difficultés politiques se manifesteront. Chaque médaille possède son revers.
Avant de porter des jugements sur le mode de vie des uns et des autres, cette diversité des situations méritait d’être rappelée. Ne serait-ce qu’afin de relativiser les prises de position, surtout lorsqu’elles prétendent se draper dans la « morale » ou une « loi naturelle ». Nous avons le choix, en matière de regard critique, entre l’approche religieuse ou celle d’une psychanalyse souvent dévoyée. Lorsque Marc-Olivier Fogiel tente de relancer cet exercice à la télévision, nous demeurons dans un cadre balisé.
François Hollande a poussé plus loin les limites. Après l’accès à la chambre à coucher offert par sa compagne momentanée, promue aux forceps et parce qu’il a cédé à ses caprices de Première dame (8), il a opté pour l’autocommentaire (9), la chronique de son règne par lui-même. Il en attendait un outil en vue de sa réélection. Il a obtenu un effet repoussoir d’autant plus massif que l’impact cumulé des deux ouvrages s’en est trouvé décuplé.
Il revenait au courant révolutionnaire – n’est-ce pas dans sa nature ? – de faire évoluer ces introspections. Jean-Luc Mélenchon, le chantre d’un « bolivarisme » qui a ruiné le Venezuela (10), pays riche en pétrole mais miné par les pénuries alimentaires, s’est précipité, en octobre 2016, à la « première » du spectacle de la coordinatrice de son Parti de Gauche. Danielle Simonnet, conseillère de Paris élue dans le XXe arrondissement, proposait sur scène son premier one woman show, intitulé « Uber, les salauds et mes ovaires ». Il s’agissait, selon la définition de l’élue-comédienne, d’une « conférence gesticulée ». Ses cibles étaient le personnel politique mais aussi la défense du corporatisme des chauffeurs de taxi. Révolutionnaires, au Parti de Gauche, mais pas trop…
J’ai décidé de vivre avec mon époque. Puisque nous ne jouons plus idées contre idées, analyses contre analyses, allons-y pour le tripes contre tripes ! Puisque les ovaires sont sur la table, je relève le défi. Je vais suivre, à rebours, le chemin déjà emprunté par Hervé Guibert (11). Après avoir tant de fois commercialisé sa mort, il ne lui restait plus que le suicide. Ne vous attendez pas, au fil de ces pages, à autant de scènes de cul que dans les siennes, ce n’est pas mon domaine de compétence.
Notes:
- Cité par Anne Fulda, Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait, Plon, 2017.
- De fait, bien qu’elle soit habillée par Vuitton, elle s’est attiré, dans Paris Match du 20 juillet 2017, un commentaire flatteur du créateur de Chanel, Karl Lagerfeld « Depuis Brigitte Bardot, ce qu’il y a de plus populaire en France, c’est Brigitte Macron: les plus belles jambes de Paris ! »
- 24 avril 2017.
- 29 mai 2017.
- En Occitanie, nous désignons sous le vocable « cagole » des filles plutôt vulgaires, maquillées avec outrance et habillées de vêtements voyants, aux couleurs criardes.
- 13 juillet 2017.
- 15 juillet 2017.
- Merci pour ce moment, Valérie Trierweiler, Les Arènes, 2014.
- Un Président ne devrait pas dire ça…, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Stock, 2016.
- Un engagement dont il s’est justifié en affirmant : « Le Venezuela avait une politique social-démocrate (sic). Personne n’a été exproprié. Il n’y a pas eu de nationalisations non plus. J’ai soutenu Chavez contre l’agression des Américains. Et aujourd’hui, le problème de ce pays c’est d’abord la baisse du prix du pétrole. Je n’y suis pour rien » (Ouest France, 15 avril 2017). On retrouvait dans le point 62 de son programme pour le scrutin présidentiel l’ambition d’«instaurer une politique de codéveloppement avec l’Amérique latine et les Caraïbes en adhérant à l’Alba ». Lancée en 2005 par Hugo Chavez et Fidel Castro, l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América) est un projet d’intégration économique qui rassemble l’Équateur, le Venezuela, Cuba, la Bolivie, le Nicaragua et des îles des Caraïbes.
- Cf. sa trilogie À l’ami qui ne m’a pas sauvé de la vie, 1990 ; Protocole compassionnel, 1991 ; L’Homme au chapeau rouge, 1992 ; et son journal Le Mausolée des amants : journal 1976-1991, tous chez Gallimard.